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10 fév. 2025

Densification des zones périphériques : transformer la « France moche » en territoire d’avenir

L’héritage des décennies précédentes nous a laissé des zones périphériques - zones d’activités économiques et zones commerciales – caractérisées par leur immensité et leur peu d’attractivité. Longtemps considérées comme des espaces monofonctionnels et peu valorisants, ces territoires deviennent aujourd’hui des laboratoires d’innovation urbaine, porteurs de nouvelles perspectives d’aménagement.

La transformation des zones d’activité périphériques : un défi urbain contemporain

Le paysage français connait actuellement une mutation profonde portée par des nouvelles politiques d’aménagement territorial. Ces dernières années ont vu l’émergence de nouvelles politiques d’aménagement du territoire, comme la loi Industrie Verte et le plan de transformation des zones commerciales, qui marquent une étape décisive dans cette transformation. Mais, bien avant cela, certaines collectivités, à l’image d’Annemasse Agglo - lors de la révision de son SCoT-ont été précurseuses dans cette réflexion, anticipant la nécessite de repenser l’aménagement de leurs entrées de territoire souvent qualifiées de « France moche » !

Au cœur de cette stratégie se trouve un double objectif : préparer la France de demain tout en répondant aux défis climatiques et à la limitation de l’artificialisation des sols (ZAN). Ces zones périphériques, souvent vastes et peu densifiées, historiquement conçues pour accueillir des fonctions économiques spécifiques, doivent aujourd'hui se réinventer. La densification de ces espaces représente ainsi un enjeu majeur tant sur le plan économique qu’environnemental, mais également social pour répondre à la demande croissante de logement et de services urbains.

Les enjeux stratégiques de cette densification

Pour les urbanistes, cette mutation est une opportunité d’expérimentation unique. Il s’agit de repenser radicalement l’aménagement de ces entrées de ville en portant une ambition forte sur les futures trajectoires de ces espaces et en anticipant la maitrise de ce foncier convoité. Mais, cette bifurcation des modèles soulève plusieurs questions : Comment régénérer ces morceaux de ville en inversant les recettes établies ? Comment briser les modèles de financiarisation urbaine et immobilière que nous connaissons pour explorer des modes de faire dont la sobriété est assumée ?

Le principal défi réside dans la conception d’une programmation, d’un phasage et d’un montage opérationnel qui transcendent la mécanique classique des projets urbains pour dépasser les simples « intentions » et permettre la réalisation de ces projets novateurs, porteurs d’idéaux environnementaux, fonciers et politiques. Il ne s’agit plus de seulement bousculer les a priori et les pratiques établies mais d’orienter les collectivités vers une traduction efficace et efficiente de la fabrication du projet, de « faire la ville sur la ville ».

Par le passé, les zones d'activités périphériques ont été pensées en fonction de l'industrie, du commerce de gros ou de la logistique. Ces zones se caractérisent par de vastes ensembles d'entrepôts et de surfaces commerciales ou de stationnement sous-exploitées, répondant mal aux besoins modernes en termes de services urbains et de qualité de vie. Aujourd’hui, face à la pression croissante sur les espaces urbains et à la nécessité de réduire l’étalement urbain, la densification des périphéries apparaît comme une solution pertinente d’autant que ces espaces sont devenus des zones de transition, entre la ville dense et l'espace rural. Cela implique de transformer ces zones en quartiers mixtes, intégrant non seulement des activités économiques mais aussi des fonctions résidentielles, commerciales et sociales, dans une logique de proximité et de mobilité durable.

De nouvelles perspectives pour les collectivités, les acteurs économiques et les habitants 

La densification des zones périphériques offre de multiples avantages, tant pour les collectivités que pour les acteurs économiques et les habitants :

  • une meilleure valorisation de l'espace : sous-utilisés, ces espaces offrent un potentiel foncier considérable pour développer de nouveaux logements et équipements publics sans empiéter sur des terres agricoles ou naturelles, contribuant ainsi à la lutte contre l’étalement urbain ;
  • une mixité fonctionnelle en concentrant l'activité économique, le logement et les services sur un même territoire, et en encourageant la création de nouvelles synergies créant des lieux de vie plus dynamiques et vivants. Le développement de quartiers mixtes permet également de renforcer l'attractivité de ces zones pour de nouveaux investisseurs, tout en offrant des solutions de logement plus abordables à proximité des zones d'emploi.
  • un levier pour améliorer les infrastructures de transport et les services publics, notamment en matière de mobilité durable, en couplant les politiques de développement de transports publics à des aménagements cyclables et à une meilleure gestion des espaces publics, favorisant ainsi une urbanisation plus respectueuse de l’environnement.

Néanmoins, si la densification des zones d'activités périphériques offre de nombreuses opportunités, elle soulève également plusieurs défis qui portent sur :

  • l'adaptation de ces espaces aux nouveaux usages : cette transformation nécessite des aménagements importants pour garantir une bonne qualité de vie. Il est crucial de repenser l’aménagement des espaces publics, d’intégrer des équipements collectifs et de prévoir des espaces verts pour éviter une urbanisation trop « dure » qui nuirait au bien-être des habitants.
  • la révision en profondeur des « modes de faire », notamment des plans d'urbanisme, et de la concertation entre les différents acteurs : collectivités locales, entreprises (souvent propriétaires de tènements fonciers importants), promoteurs immobiliers mais aussi citoyens. Le risque d'une gentrification de ces secteurs transformés, compte tenu d’un coût élevé nécessaire à l’acquisition et à la transformation de ces zones doit être anticipé.
  • la mise en place de politiques adaptées à cette nouvelle façon de faire la ville pour garantir que ces transformations profitent à tous.
  • la recherche d’une logique de résilience climatique permettant ainsi de faire basculer ces territoires, souvent extrêmement « pauvre » d’un point de vue environnemental, vers une écologie urbaine qualitative et durable. L’intégration de solutions écologiques dans la conception de ces nouveaux quartiers (gestion des eaux pluviales, utilisation des énergies renouvelables, optimisation de la biodiversité urbaine, …) doit être pensée dès les études stratégiques.

 

À l'avenir, la réussite de cette transformation dépendra de la capacité des collectivités à élaborer des politiques d’aménagement flexibles et ambitieuses, capables de répondre aux défis du 21e siècle tout en préservant la cohésion sociale et l'équilibre territorial. Seule une vision globale, partagée et inclusive de l'urbanisme permettra de faire de ces transformations un véritable moteur de développement durable pour nos agglomérations de demain.

Pour en savoir plus sur l’aménagement des ZAC, retrouvez les formations sur l’aménagement durable https://www.scet-formation.fr/catalogue-de-formation/categorie/7/amenagement-durable/